Bourdelle : Monumental

Ausit on the Radio FMC… « Pour comprendre Bourdelle, il faut se rappeler les conditions en 1900, avec les tonnes d’académisme qu’après Houdon, Rude et Barye, ni David d’Avignon, ni Carpeaux, ni Dalou n’avaient pu soulever, avec cette audace qui appartient aux grandes époques. La dynamite fut posée par Auguste Rodin à la fin du siècle. Poussée interne de la vie, qui fait éclater les formes, gonfle les volumes, tend les fibres de la chair chatoyante. Ses cadets de vingt ans, deux méridionaux, Bourdelle et Maillol, en direction opposée, poursuivent l’œuvre de déblaiement, ouvrent les chemins du siècle… Ils sont nés la même année 1861. Maillol avec ses doigts de tisserand et son arachnéenne patience à capter la lumière qui dénude les corps. Bourdelle sort de Rodin, et le nie. Antithèse de Maillol : il s’attaque au problème de structure de l’espace maternel, dans ses rapports avec les êtres vivants.

Après eux, le gascon Despiau témoigne simplement que les êtres qui sont au monde ont pour principale vertu d’exister. Mais les grandes surprises venaient de l’étranger : Brancusi, Gonzalez, puis Arp, les sculpteurs Cubistes, les Constructivistes… La sculpture ressuscitait de ses cendres, le terrain était libre pour une nouvelle époque, la notre.

Par de-là Rodin, Maillol, Despiau, Bourdelle rejoint les préoccupations d’une autre statuaire, ayant compris la dynamique et la dialectique étroite des formes et des perspectives spatiales. Avant les expériences méthodiques et les recherches analytiques du XXe siècle, sa conception hardie des plans antagonistes l’a porté au cœur de synthèses fondamentales. Inépuisable enseignement, propagé par d’innombrables élèves dans le monde entier.

Otées l’anecdote et les stylisations d’époque, son art reste le réservoir et la source. Ses réminiscences des grands exemples du passé n’inhibent pas un sentiment de l’aventure humaine. Et l’amour du terroir permanent. Montauban ne peut oublier qu’il y a cent ans naissaient aussi un autre Montalbanais, le grand rénovateur de la poésie occitane, Antonin Perbòsc, dont l’inspiration procède de la même conscience cosmique. A peine deux ans plus tôt né, à Castres, Jean Jaurès, puisant à la même nappe phréatique : Bourdelle, Perbòsc et Jaurès, trois figures fraternelles de ce pays-ci…

Emile-Antoine, Imperator de la sculpture de son temps, devait épouser à Paris sa Cléopâtre, sans perdre l’âme dont l’avait doté le peuple de son terroir et sa langue martelée comme le fer sur l’enclume : Bourdelle c’est la périphérie s’imposant au centre, s’installant en maître au foyer du centralisme. La critique fait ce qu’elle peut pour l’ignorer, s’expliquant mal pourquoi elle n’y parvient pas »

Félix-Marcel Castan

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