Le rugby est- il baroque ?

Entendu sur RADIO FMC où Bruno Queysanne, professeur d’architecture, historien de l’espace architectural et Alain Daziron, responsable de la Maison de la Culture de Larrazet (82) échangeaient sur une intuition : Les territoires du baroque, de la langue d’oc et du rugby ne se recoupent-ils pas ?

Si oui est-ce un hasard ou y-a-t-il entre ces différentes expériences humaines une homologie structurale plus ou moins cachée ? Ne partagent-elles pas toutes les trois une certaine ambiguïté de leur définition ? C’est sûr pour l’expérience baroque, mais qu’en est-il des deux autres ? Essayons quelques arguments.

Le nom du territoire du rugby n’est-il pas l’ovalie ? Le ballon de rugby est comme la transformation d’une sphère (foot-ball, basket-ball) en une sphère ovoïde dont la coupe selon le grand axe est une forme ovale ! Or cette métamorphose du cercle en ovale est un trait distinctif de l’architecture baroque par rapport à l’architecture classique. En témoigne deux bâtiments amblématiques du baroque : à Rome, Saint Charles aux Quatres Fontaines de Boromini et à Marseille, la Chapelle de la Vieille Charité de Puget. L’extrados de la coupole de Puget est comme un demi ballon de rugby !

Descarte lui-même, dans son discours sur la Dioptrique, dit que le cercle est mieux représenté par l’ellipse que par le cercle… qui n’est perçu comme tel que dans des conditions très particulières d’un axe de vision précisément orthoganal au plan du cercle. De même pour le carré, mieux réprésenté par un trapèze (cf le Capitole de Michel Ange à Rome et la place Nationale de Montauban). Par là il dénonce son appartenance au monde baroque.

Le baroque se nourrit de paradoxes, de contradictions… un poème de Duperron (1) :

« A l’amour, Je veux bâtir un temple à l’inconstence, De plumes molles en sera l’édifice, En l’air fondé sur les ailes du vent. »

Ce que je retiens du jeu du rugby : – il va de l’avant en passant la balle vers l’arrière.- les avants défendent, les arrières attaquent (le contraire du foot-ball qui suit une logique classique et redondante, les avants attaquent, les arrières défendent).

– le ballon ovoïde fonctionne selon un principe d’incertitude : sa forme contredit la prise ferme, il échappe, glisse, fuit. Sa retombée sur le sol nourrit des rebonds aux trajectoires aléatoires, imprévisibles à la différence des sphères du foot-ball, du basket-balla, du tennis, dont on se plaint de la moindre irrégularité du sol de réception qui fausse la trajectoire attendue et produit des rebonds imprévisibles. Les rebonds du ballon de rugby et les mathématiques de l’aléatoire de LIEBNIZ ! (2)

On dit du baroque qu’il est l’art du mouvement. Oui mais sculptures et achitectures ne sont pas mobiles. C’est donc un art du mouvement contenu, retenu, un mouvement immobile ! Comme si l’œuvre  bâtie ne ne donnait qu’un instant de la notion de mouvement des forces en tension dans le bâtiment ; la lutte contre la force de gravité, étant saisie en un arrêt toujours prêt à se rompre, juste avant la rupture. Les formes en tension : la résultante des forces n’établit pas un équilibre stable mais un équilibre toujours menacé. N’est-ce pas le principe du rugby que ce mouvement de masses considérables retenu avant le choc explosif. Du moins le « rugby de village » à l’opposé du spectacle de la violence déchaînée et non contenue du « rugby spectacle ».

Quand à la langue d’oc, dans ce concert de formes aux mouvements paradoxaux, je n’en puis rien dire. Reste une certaine complicité territoriale et géographique à expliquer, à dé-ployer, dé-plier ! (cf le pli et le baroque de DELEUZE). (3)

 (1) Jacques Davy du Perron (1556-1618)

(2) Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) 

(3) Gilles Deleuse (1925-1995)

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