Il faut toujours repartir des Troubadours

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Tè, en mettant de l’ordre vèni de tornar trobar aquèsta pepita du TGV (Très Grand Valable) de Montalban (1). Je ne résiste pas à vous la faire lire, entendre… sur Radio FMC

 Appel au « paratge »

« La première approche de la citoyenneté se lit au XIIe siècle dans une sorte de new wave de l’Occident, et correspond à l’invention de l’Amour occidental. Les jeunes aristocrates de ce pays ne recevaient pas leur morale des anciens, ils ensemençaient eux-mêmes le futur, chaque jour, de leur propre éthique. Ils tiraient en avant la société, la société d’Amour, dans laquelle se trouvait sublimés leurs instincts naturels. Ils tournaient le dos à l’enseignement de l’église. Des roturiers, quand ils avaient appris à aimer pouvaient paradoxalement entrer dans leur confrérie. La jeune patrie d’Amour transcendait les générations et les classes. Elle nous lègue le beau mot de paratge, valeur qui devrait enrichir la notion révolutionnaire de citoyenneté d’une dimension psychologique, d’une finalité idéale : le paratge citoyen, c’est le but à atteindre, une création continuelle et non une donnée inerte, un peu froide. Ce pourrait être un art, l’art d’une citoyenneté aventureuse. »

Autogestionnaire

« Trois siècles plus tard, quand la Chrétienté médiévale céda la place à un autre type de société, quand à la fin du XVIe siècle, s’esquissèrent, en royaumes et républiques, des constructions étatiques autonomes, l’idée de citoyenneté commença à s’imposer, notamment aux pays occitans (on disait alors gascons). La littérature occitane reprend sous des formes très différentes de celle des Troubadours et des châteaux. Elle devint une littérature urbaine. Poètes de la cité, ses auteurs participaient à la vie de leur ville et la citoyenneté plongea ses racines essentiellement dans le terreau municipal. Les juristes, nombreux dans cet univers méridional, formaient l’armature de la conscience urbaine. Ils demandaient au Roi et à la nation, dont ils se faisaient une idée plus juridique que mystique, la garantie de la paix publique, d’une Paix intérieure et extérieure, qui permette à tous les citadins de vaquer à leurs activités productrices de richesses matérielles et intellectuelles.
Il arrivait que de graves conflits fiscaux avec le pouvoir central renforçaient la conscience citoyenne, les fiertés municipales, un sentiment vigoureux de responsabilité collective… On n’appréciait guère d’autre part l’humeur batailleuse des nobliaux et des grands de ce monde, qui passaient leur temps l’épée à la main, en querelles absurdes. C’est le sujet, depuis les grandioses lamentations prophétiques de Garros, de plusieurs œuvres littéraires, notamment d’un beau conte poétique inspiré d’un poème de la Grèce antique, modernisé et actualisé au milieu du XVIIe siècle par le Père Grimaud. Un siècle plus tard, au temps de Voltaire, c’est aux querelles de petites villes que s’en prend Félix de Saint Castor dans son épopée comique du Siège de Caderousse. Querelles mesquines de clocher, dont fait justice une vraie conscience nationale. La citoyenneté nationale vient alors se conjuguer à la citoyenneté municipale, pour éviter des dérives dérisoires, nuisibles au bon ordre de la société. »

Mais le travail d’enrichissement s’approfondit au milieu du XIXe siècle.

« Les luttes politiciennes locales donnent lieu à des écrits circonstanciels, tels que ceux de Roumanille en Provence ou Maument en Gascogne. Mais très vite des auteurs de premier plan haussent le ton au niveau des enjeux nationaux. Xavier Navarre, dépassant de cent coudées les chansons de Béranger dont il se croit le disciple, pose les termes d’une véritable démocratie, combat l’instauration du Second Empire en poèmes émouvants et lucides, jette les bases d’une poésie citoyenne, sans équivalent en langue française, – laquelle fait entendre surtout les voix olympienne de Hugo et de quelques autres.
Sa posture linguistique et littéraire est relayée quelques années plus tard par un autre Béarnais, le grand pamphlétaire Larroque, qui intervient dans le journal républicain d’Orthez, sous le masque d’un pauvre paysan, nommé Horncadut, pour critiquer systématiquement tout ce qui va mal à tous les étages de la République en formation. Il s’agit d’un élargissement considérable du point de vue. Tous les problèmes sont examinés minutieusement de semaine en semaine. La citoyenneté ainsi comprise en sa profondeur, c’est l’exigence première du pauvre, et c’est les prémisses d’une conscience autogestionnaire. Importante référence pour les militants de notre temps, qui doivent apprendre chez ce contemporain de Mistral, ouvrier d’une écriture exquise, pure et dense, fondateur de la prose occitane moderne, leur rôle politique dans la cité : à la base de la nation, aiguiser une pensée critique de défense des intérêts de tous. Engagement sur la grand route d’une démocratie embrassant les divers problèmes de la vie communale dans leur interaction, une citoyenneté fondamentale, dont les deux faces, communales et nationales, se contrôlent mutuellement. »

 

(1) Félix Marcel Castan

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