DECLARATION DE NERAC

Conscients du rôle qu’a joué la littérature d’Oc dans la tradition littéraire occitane ;Attentifs aux problèmes que pose sa renaissance, en ce qui concerne notamment la réadaptation de la littérature traditionnelle de langue d’Oc aux tendances de la littérature universelle d’aujourd’hui ; Les écrivains de langue d’Oc soussignés déclarent :

1. L’importance d’une langue et d’une tradition de civilisation se mesurent non aux politiques de préservation (du type du Félibrige) qu’elles suscitent, mais à leur efficacité dans la pensée moderne. L’œuvre littéraire gardera toujours pour les écrivains d’Oc la prééminence par rapport à la langue d’Oc prise comme fin, ainsi que par rapport aux recherches philologiques qu’elle provoque comme telle.

2. Le culte et l’étude scientifique des traditions telles que le conçoit le Folklore constituent des activités dignes d’intérêt, mais par nature distinctes de l’activité littéraire.

3 Les efforts visant à restituer à la pensée occitane son atmosphère d’unité, comme à normaliser et épurer tant les dialectes ou les graphies que les traditions populaires, trouvent en général l’appui et la confiance des écrivains de langue d’Oc.

4. Les cadres étroitement nationaux, régionaux, ethniques, se confirmant comme insuffisants à assurer le plein épanouissement des civilisations humaines, le nationalisme littéraire doit être révolu, la littérature de langue d’Oc doit cependant trouver une source permanente d’inspiration dans une meilleure prise de conscience de l’héritage occitan.

5. Tenant compte, d’une part, de l’appartenance politique, administrative, économique, sentimentale, des populations de langue d’Oc, à un ensemble national complexe, et reconnaissant comme un fait d’évidence, l’épanouissement de la littérature occitane à la période actuelle, en dépit d’une concentration accrue des activités nationales, les écrivains d’Oc renoncent, en tant qu’écrivains, à toutes revendications politico-économiques qui ne tiennent pas compte d’intérêts plus généraux que ceux de leur pays.

6. Etant bien précisé que les libertés actuelles de la littérature en langue d’Oc doivent être défendues et élargies par le pouvoir central comme part intégrante du patrimoine national, au même titre que toutes manifestations de la civilisation occitane.

7. Le régionalisme esthète ne correspond plus à l’interdépendance culturelle des pays de langue d’Oc, ni à la ruine aujourd’hui consacrée des mythes littéraires du verbe et de la beauté, le formalisme académique constitue en général une atteinte aux traditions de la langue d’Oc.

8. En revanche, par une interrogation constante des littératures françaises et étrangères, sans distinction de siècle ni de situation, et par l’interprétation des créations littéraires d’avant-garde, les écrivains d’Oc espèrent trouver en toutes circonstances une solution au renouveau de leurs traditions et un mode d’expression de valeurs universelles.

9. Les écrivains d’Oc se déclarent, en outre, des plus sensibles, dans leur cœur et dans leurs œuvres, aux manifestations de tout groupe humain qui trouve dans sa conscience populaire une originalité d’ordre spirituel.


10 Soucieux avant tout du réalisme nécessaire au développement de leur littérature, les écrivains de langue d’Oc estiment que ce développement repose uniquement sur une contribution féconde au mouvement littéraire contemporain.

Bernard Manciet – Félix Castan 15 -11-1956

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