Une nation pour demain (I)

Entendu sur Radio FMC. 
Tè ! Una perla, une bande enregistée à Uzeste Musical, en 96, où Félix Castan intervenait sur un sujet très à l’ordre du jour de nos jours, encore 23 ans après… Identité occitane/citoyenneté/nation française

« Toute littérature, fructifiant sur son pédoncule linguistique, a pour fonction produire de l’identité collective. Pour la cerner on devra étudier ses contextes, et naturellement comprendre son rapport à la nation politique. – Tel est le problème, plus compliqué qu’il n’y paraît, que Bernard m’a demandé d’aborder, sur le cas occitan. 

L’identité occitane n’a pas d’origine politique

Parce que la littérature occitane ne ressemble pas à la littérature française, elle m’a fasciné autant que la littérature française elle-même, et sans doute un peu plus parce qu’injustement méconnue.
On commence à savoir, dans les milieux éclairés, l’importance des Troubadours, de manière encore abstraite et assez confuse. Mais qui imagine l’existence d’une poésie baroque occitane, dont la signification dans l’aventure européenne est de grand intérêt ? Qui reconnaîtra qu’en l’absence de poésie française valable au XVIIIe siècle, la poésie occitane prend le relais, et annonce en France le Romantisme européen ?

On sait qu’un certain Mistral écrivit des épopées, à la fin du XIXe siècle, pour lesquelles il obtint le Prix Nobel, mais on ignore que des Pyrénées aux Alpes une Renaissance littéraire avait surgi, dont Mistral n’est que l’un des représentants. Et qui peut croire que le XXe siècle a connu une puissante floraison occitane, dans les genres les plus divers ? Les jeunes générations restent nombreuses sur le front du combat littéraire.
C’est vers 1940 qu’a pris corps une nouvelle vision de l’œuvre  et de l’action : une brillante École poétique s’est rassemblée autour de la revue ÒC, organe encore actif entre les mains de Bernard Manciet. Cette École entrait dans le concert de la création européenne : elle avait pour références le Surréalisme, les courants novateurs d’Espagne (Lorca, Machado, Alberti) et d’Italie (Ungaretti, Quasimodo), la littérature catalane vivante, certains des grands poètes de l’Orient médiéval, enfin les Troubadours, leur conception du langage, et leur morale quelque peu hérétique.

Par-delà les influences et les références, ces nouveaux auteurs faisaient entendre une voix sans pareille, capable de convaincre les oreilles les moins exercées. La brièveté et la densité, le raffinement de leur écriture réagissaient contre les lourds héritages du XIXe siècle. Leur lumière, pour les jeunes lecteurs, dont j’étais, éclairait un avenir de libre humanité.
Depuis le fleuve littéraire s’élargit, confirmant le sens et la portée des découvertes collectives. »

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